Assise devant cette pinte de bière qui m’a coûté la peau des fesses, mon regard se perd dans les petites bulles qui remontent à la surface légèrement mousseuse. Cela fait déjà un an jour pour jour que je me trouve dans ce monde et c’est la première fois que je mets les pieds dans cet endroit. Caché dans les réseaux souterrains, cette petite grotte abrite une sorte de cantine. Selon moi cela ressemble plus à un bar miteux d’Allemagne ou on retrouve des gens peu fréquentables. Ici, la lumière est artificielle et semble parfois sourcier. Les tables sont un mélange d’objets trouvés, parfois volés et une forte odeur d’humidité semble avoir pris résidence dans le bois légèrement pourrissant.
Cette odeur, je la connais bien. Elle chatouille mes narines et me rappelle des mauvais souvenirs. Ces images qui me collent à la peau et qui crée dans mon cœur un élan de rage, une forte colère qui me donne envie de tout briser. Mais aujourd'hui, j'ignore pourquoi je suis triste, est-ce dû à l'image familière de ce lieu ou encore simplement le fait que je suis toujours ici après un an… Malheureusement cette question restera à jamais sans réponse
Mécaniquement, mes doigts viennent doucement glissés sur l'épais Buck de bière encore suintante de petites goûtes d'eaux qui terminent leurs courses contre la table. Mes yeux étaient déchirés entre un éclat de tristesse et des flammes remplies de haines.
La plupart des tables étaient occupées, les gens ne semblaient pas très énervés et parlaient calmement. Je pouvais sentir quelques regards sur ma personne, il était vrai que je faisais tâche dans ce décors. Mes longs cheveux étaient libre d'attachement, mes vêtements sombres dévoilaient quelques parties de mon anatomie, mes épaules étaient dénudées. Cette robe, je l'avais emprunté à long termine à une femme qui semblait avoir trop de vêtements. La jupette terminait sa course un peu avant la naissance de mes genoux. Elle était légère et en aucun cas elle ne réchauffait ma peau qui était parcourue par des frissons dû à l'humidité des lieux. Pourquoi un tel accoutrement dans un lieu aussi sombre et repoussant? Je revenais simplement d'un petit tête à tête qui n'avait pas été très payant en information.
Plus le temps avançait, plus je me doutais que j'allais me mettre les deux pieds dans la merde. En gros, je jouais sur les deux terrains, moyennent les informations au plus donnant. Mon petit jeu était jusqu'à ce jour secret et personne ne savait vraiment ce que je pouvais bien faire à trainer par-ci par là. La dernière fois qu'un agent russe avait joué sur les deux terrains il en avait perdu la tête… Littéralement, il avait été décapité.
À cette simple image, un nouveau frisson parcouru ma peau et je fermai les yeux un moment afin d'éloigner cette vision. Je devais voir ce monde comme un grand échiquier, chaque pion devaient être soigneusement déplacés. La stratégie n'avait jamais été une force pour moi, ce qui créait en moi un sentiment d'inconfort.
Ouvrant doucement mes yeux, je portais un peu plus l’attention sur le visage des gens qui m’entouraient. Les murmures étaient si faibles que je ne pouvais discerner la moindre parole. Et c’est sur un petit soupire que je pris ma première gorgé de ce liquide nauséabonde qui devait être une bière de racine faite maison au goût amer qui prend dans le nez et qui nous pousse à grimacé. Ce que je fis bien malgré moi. Les gens d’ici devaient avoir l’habitude de ce gout hors du commun, pour ma part le doux liquide de miel d’une bonne bière rousse me manquait énormément. Ou encore le gout divin d’un vieux whisky qu’on retrouvait souvent caché dans les maisons désertés. De si beau moment, tous réunis sous les explosions, même dans ces jours sombres, on trouvait le moyen de rire et de sourire.
D'un geste brusque, le buck termina sa course contre la table, du revers de ma main libre je retirai la mousse qui était restée au coin de ma lèvre inférieure. La nuit s'annonçait longue et encore une fois la solitude semblait être l'unique amen de ma soirée. J'en avait l'habitude, même si cela m'attristais un peu.
Osef. C'est comme une litanie qui sautille de synapse en synapse. Nihiliste dans l'âme, tu contemple les cigarettes s'accumuler sur un autel de cendres destiné à invoquer le cancer. Dix? Vingt? Peut être trente. Qu'importe. Tu balances la dernière en observant distraitement la traînée fantomatique qu'elle laisse sur son passage. Encore un bout de vie qui se fait la malle. Ton autre main s'agite dans un crissement irritant issu des ébats entre la mine d'un crayon et un ticket de caisse, tentant désespérément de donner vie à quelque chose de regardable, en vain. Ça n'a jamais été ton truc, le dessin. Faut dire que tu ne t'y es jamais vraiment intéressé. C'est sur une impulsion que tu as entrepris de coucher tes idées sur papier, de rendre matérielles les images qui dansent dans ton esprit. Tu aurais pu faire de tes idées des vérités, tenir le monde au bout d'une mine, il suffit de si peu pour tout avoir, mais t'en as pas grand chose à faire de la réalité. Blasé par la vie avant l'âge, t'aspires pas à grand chose si ça n'est à observer les individus qui se débattent autour de ton immobilité, tentant désespérément d'exister en dehors des verres qu'elles enquillent pour oublier qu'on les oubliera aussi.
On avait découpé les vies en années ; oh d'abord en millénaires mais ça semblait trop long pour ces âmes fragiles, et puis après on a essayé les secondes et cela devait sûrement avoir l'air trop ridicule -alors il n'y avait plus que les ans qui s'écoulaient à leur rythme et quelques heures s'arrachaient au temps et à sa monotonie éternelle. Ça n'était même pas réel, le temps -ça n'était qu'illusion créée par l'Homme, peut-être pour se rendre compte de son inutilité, peut-être pour comprendre qu'il n'était que poussière qui retournait à la poussière, peut-être pour oublier que les erreurs se refont siècles après siècles et oublier le sang sur les grains de sable ; oh il goutte goutte goutte. Incarnat, tache ovale qui s'allonge. Tes pupilles sont fixées il n'y a plus rien à faire. Juste regarder. Oh regarder, se perdre dans temps qui coule ; il y en a même des traces sur les murs, sur les meubles, sur le sol. Tu t'es perdu, un instant, pas suffisamment pour que tes pensées s'arrêtent pour que tu ne te sentes moins coupable, pour que tu arrêtes d'avoir ce goût si amer dans la bouche.
Tu es resté allongé un long moment. C'était étrange ; il y avait ce calme à l'extérieur oh ce silence si percutant, et puis à l'intérieur aussi, c'était si vide -il y avait juste le tic-tac de l'horloge qui résonnait dans ta tête, qui te rappelait ton existence ta vie ridicule tes passions tes envies anormales et chaque seconde te semblait de trop.
Et puis t'as disparu. Littéralement. Tu t'es effacé de la réalité dans un rire amer, hilare... Terriblement désespéré. Un rire dément qui rebondit sur les murs, se glisse dans les souterrains, à en faire trembler la surface. Tu erres dans les couloirs sombres et crades, passe à travers les badauds. Un léger sourire vient ourler tes lèvres alors que tu observes les quelques bribes de cognition guidant leurs pas. Tu as toujours trouvé fascinante la propension humaine à fuir la réalité. Te demandant à quoi peuvent bien pensées ces âmes perdues dans leur dernier élan de lucidité de la journée. Être ou ne pas être, là est la question. Cette interrogation introspective nous embobine, nous tourmente, car que sont les gens s’ils ne sont pas que des fourmis ouvrières esclaves de la société qui les domine ? Même ici tu peux entrevoir cette pensée naître dans les regards, un soudain besoin de rentrer dans le moule, se sentir faire partie d'un tout, de ne plus être Moi, mais d'être Nous. C'est d'ailleurs de ce besoin irrépressible qu'est née la cantine, cet endroit bâtard, à mi chemin entre les restos du cœur et le bar miteux. Une grande pièce s'apparentant à une taverne médiévale, tables et chaises réalisées avec les rebuts balancés dans les entrailles de la ville.
Les gens s'enivrent, s'encanaillent, chahutent et se disputent. Il n'y a pas de règle ici bas. Là, dans le coin de la pièce, installée au comptoir, une silhouette attire ton attention.
Vous attendez quelqu'un?
Simple murmure lancé par un nuage de fumée dispersé dans la pièce. Ta voix est partout et nulle-part, ici et ailleurs. Le nuage se fait plus dense, prenant doucement forme humaine.
Me voilà! Je ne vous ai pas trop fait attendre j'espère!
Aujourd'hui tu es d'humeur à être quelqu'un, tu retourneras à n'être personne une fois la soirée terminée. Sans faire davantage de manières tu t'installes sur la chaise voisine qui proteste d'un grincement sous le poids de ton corps à nouveau fait tangible. Tu t'empares de la pinte de la jeune femme venant absorber ce qu'il reste de liquide doré, laissant échapper un rire s'apparentant à un grincement.
Sujet: Re: Un alcool fort (Ft Myst) 05.05.19 18:20
Mirage
DarkFox
Messages : 29 Date d'inscription : 21/04/2019
Un alcool fort.
ft Myst
L'apparence n'est rien.
La solitude avait laissé place à un défilement d'images dans mon esprit. De ma première rencontre avec mes camarades à la dernière nuit passé ensemble. C'était une nuit sans lune, ou même le vent ne semblait pas vouloir montrer le bout de son nez. Il régnait autour de nous un silence de mort, on pouvait voir de notre point de rencontre les lueurs des Allemands qui nous attendaient. En analysant la scène aujourd'hui, je pense qu'ils s'en doutaient. Mes amis le savaient que c'était notre dernier voyage, notre dernier moment ensemble avant de tous mourir séparé sur-le-champ de combat. Nous étions tous épuisés et il flottait dans l'air cette odeur de mort.
En regardant autour de moi un moment, je réalise que cette caverne résume bien ma vie, une vie creuse remplie d'angoisse et de noirceur. C'est à ce moment que je réalise, que je ne connais que cette noirceur, malgré les bons moments passés avec mon peloton, il y avait toujours un voile obscure qui flottait au-dessus de nos têtes. Pourtant, je voulais y retourner, je voulais retourner chez moi. Sachant très bien que c'était la guerre, la mort et la solitude qui m'y attendait. Ici, j'avais une chance, chance de laver mes mains couvertes de sang et de repartir sur des bases solides. Personne ne sait que je suis ou ce que j'ai fait, mais on ne peut pas effacer la mort que j'ai semée.
Le visage de ces gens, resterons à jamais graver en moi. Je sais exactement le nombre de vie que j'ai sur les mains, exactement le nombre de gens qui ont poussé leur dernier souffle. J'étais trop jeune pour cela, trop jeune pour faire la guerre. Ma vie appartenait à des gens sans scrupule, des gens fourbes qui avaient pour seul but d'acquérir un plus vaste territoire. Ici, je pouvais aussi voir une guerre silencieuse, il se déroulait quelque chose dans l'ombre et j'étais bien curieuse de trouver quoi.
Les guerres étaient toutes différentes sur plusieurs points, mais au final, il y avait des morts, des gens sacrifiés, des gens qui sortaient vainqueur et d'autres perdants. Au moment où mon regard allait de nouveau se poser sur ma bière, je fus surprise de voir la pièce qui était légèrement brumeuse. Comme si de la fumer c'était rependu par un courant d'air. L'odeur d'humidité et de terre était également masquée par une odeur qui se rapprochait de celle du tabac brulé. Mes yeux me piquèrent légèrement et je cherchais d'où pouvait bien provenir cette voix qui semblait s'être adressée à moi.
Puis, telle une illusion causée par la forte chaleur d'un désert. Une silhouette se coupa dans les scions de fumée. Il m'était impossible de dire si la silhouette passait à travers la fumée ou si elle ne fessait qu'un. La fumée laissa donc place à un homme, abasourdit parce que je venais de voir, ou parce que je pensais avoir vu, je gardai un moment le silence, observent l'homme qui venait de prendre la bière devenue température pièce. Ce fut son rire qui m'affirma qu'il n'était pas un fruit de mon imagination.
M’accoudant sur le bois moisi de cette table de fortune je l’observais un moment. Je pouvais entendre les murmures qui flottaient autour de nous, les gens étaient légèrement plus bruyant et nous observait du coin de l’œil. Un Petit sourire en coin vue le jour sur mes lèvres,
‘’ Oh il était temps que tu arrives, je t’avais même commandé une bière, tu m’en veux pas j’ai pris une gorgée’’
Il y avait dans ma voix une petite pincée d'humour, cependant mes yeux parlaient pour mon esprit, l'observent avec une étincelle de curiosité. C'était la première fois que je le croisais, du moins dans me souvenir. Mais au final je me retrouvais sans bière, malgré son gout acre et son odeur repoussante, j'avais bien besoin d'en prendre une en ce moment, tel un rite d'initiation à ce monde merdique. Je fis donc un petit geste au responsable afin de lui en commander une seconde. Puis reporta donc mon attention sur celui qui s'était invité.
‘’Dooonc….’’
Il était rare pour moi de croiser des gens qui ne me disaient rien, qui ne me faisaient penser à personne que j'avais connu. Là c'était le cas, physiquement il ne ressemblait à personne que j'avais croisé et j'ignorais comment l'aborder. Mais avant tout je devais savoir pourquoi il m'avait approché… Et les raisons qui me traversaient l'esprit, étaient multiples.
‘’Tu peux me rappeler ton nom j’ai un blanc’’
Ma commande arriva et je la pris entre mes doigts, les glissants toujours machinalement sur les petites perles humides, mon regard était braqué sur l’homme qui était assis sur la chaise libre. J’étais calme, un petit sourire aux lèvres, curieuse de voir la suite de cette rencontre imprévue.
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Sujet: Un alcool fort (Ft Myst) 
